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L'ANGE ROUILLE
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par Alita

-Chapitre 1 : Renaissance

« Une étoile s’était éclipsée. Abandonnant mon passé dans le noir, égaré quelque part entre les ombres. Et personne ne peut vivre sans passé. » Blacksad, Diaz Canales.



Une ombre plane sur la ville de Kuzutetsu. Permanente, froide, immuable.

Un grondement se fait entendre, échos métallique au rire strident, qui n’effraye plus aucune âme, tel un dragon inoffensif qui se contente de hurler sa puissance.

Puis, ce bruit prend tout son sens, lorsqu’une pluie de métal fracasse le sol déjà étouffé par une montagne de déchets semblables.

« La décharge ». Tel fut nommé le cimetière des corps rouillés, bannis à jamais de la civilisation.

Alors que le silence mortuaire de la nuit avait repris son cour normal, un miracle prenait naissance, à l’insu de tous les regards, au sommet de l’amoncellement des cadavres. Une forme, indistincte d’abord, repoussa les débris qui l’opprimaient. Puis, tel un ange, son torse se bomba face au ciel, en une voluptueuse contorsion, pour enfin se redresser face à l’horizon grisâtre de la vie.

Les yeux vides et le corps immobile, la créature au cœur le plus pur pris lentement conscience de son existence.

Ses sombres cheveux encadraient un visage aux traits raffinés, laissant paraître toute la beauté de deux yeux émeraude ; son nez fin précédait une bouche délicieusement charnue, regorgeant de sang. Et son corps offrait une silhouette féminine.

La froideur du vent fit frissonner son visage, alors qu’elle réalisa qu’aucune sensation n’animait son corps. Semblable aux déchets autour d’elle, il était d’une pâleur grise et d’une dureté sans âme. « Une machine, voilà ce que je suis ? ».

Sans réfléchir, elle se dressa fièrement sur ses jambes, telle une reine au sommet de son royaume. Puis elle descendit cette montagne, sans vraiment s’en rendre compte, encore perdue dans les méandres de son esprit.

Elle erra dans les rues d’une ville désolée, le sol jonché d’hommes ivres et de cadavres, mêlés aux détritus et a la saleté. Mais cela lui était égal. Elle observait d’une froideur imparable ce que ce monde lui offrait.

Au fur et à mesure que son esprit s’éveillait, son regard devenait plus profond et son visage, jusqu’alors figé dans l’indifférence, pris peu à peu des traits relâchés, en une ébauche de désarroi et de tristesse.

Machinalement, ses pas la menèrent au pied d’une tour immense, dont les murs imposants étaient noircis par la pollution. Elle semblait vide et abandonné. La créature décida d’y entrer. La porte métallique grinça, prête à s’écrouler, mais le bruit n’alerta personne… Qui s’en serait soucié ?

Toujours d’un pas sûr et calme, elle monta un à un chacun des étages. Cet endroit était ravagé par le temps et par la racaille humaine qui avait brisé chacune des vitres et marqué son territoire sur les murs.

Elle arriva enfin au sommet des 30 étages. L’air y était plus frais et plus agréable, loin des hommes, de leur désespoir étouffé par l’alcool et la drogue, et loin de la décharge.

Ici, les murs et les vitres étaient intact.

Elle parcouru un peu l’immense pièce, observant le sol et les murs. Elle marchait presque au ralentit et semblait contempler chaque détail. Puis elle s’arrêta en son centre, fixant son regard dans le vide, et ferma les yeux durant quelques secondes.

La lumière d’un projecteur vert clignotait en rythme régulier sur le sol et sur la moitié des murs, laissant l’ombre de l’inconnue s’étendre dans toute la pièce.

Puis elle s’approcha de l’une des fenêtres et y regarda son reflet. Elle semblait pensive, tourmentée. Son regard traversa la fenêtre, observant la ville endormie.

Elle l’ouvrit et l’enjamba, puis escalada par l’extérieur ce qu’il restait de mur, pour arriver sur le toit. Elle s’assit contre l’un des rebords et regarda l’horizon qui s’étendait à perte de vue. D’autres bâtiments tout aussi sombres encombraient cette ville, mais aucun n’était aussi haut. Puis elle leva les yeux pour observer le ciel vide, mais découvrit que même là, l’humanité en avait souillé la pureté pour y déposer la marque de son existence. Elle ne comprit pas comment cela était possible, car devant ses yeux se trouvait une sorte de vaisseau, ou plutôt une ville…une cité volante accrochée dans les airs par une longue et immense colonne dont elle ne pouvait voir la fin. Elle suivit des yeux cette cité, de haut en bas, et reconnut immédiatement la décharge qui gisait à ses pieds. Tous ces déchets venaient apparemment de cette cité…elle même en venait certainement. Mais à quoi bon tenter d’y retourner si on l’avait ainsi rejetée…et que pourrait-elle y trouver ? Elle qui n’était qu’un bout de ferraille…

Ses paupières se refermèrent sur ses yeux humides. Ce n’étaient pas des larmes, pas tout à fait…Elle s’endormit lentement, sans aucun bruit, emmitouflée dans l’ombre.




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